Editorial

 

 

Situation au Niger : Coup d’accélérateur pour le patriotisme et le panafricanisme d’une jeunesse africaine décomplexée

Le coup d’Etat survenu le 26 juillet 2023 au Niger aura eu pour effet de donner un coup d’accélérateur au patriotisme et au panafricanisme jusqu’alors somnolants dans le cœur de nombre d’Africains dans beaucoup d’Etats au sud du Sahara.

Terrain de compétition pour les pays impérialistes du Nord (France, Etats Unis, Italie, Belgique…) qui y ont stationné leurs troupes, tout en convoitant les immenses ressources de cette zone sahélienne, le Niger représente un enjeu géopolitique important en raison des richesses de son sous-sol et de sa position géographique. Si bien que les conflits d’intérêts aussi énormes risquent d’entrainer la sous-région entière dans une guerre impérialiste absurde, menée sous le couvert de la restauration de la démocratie par l’intermédiaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont le Nigéria assure la présidence en exercice.

Il est vrai que le président nigérian, nouvellement élu dans son pays joue sa crédibilité, lui qui a juré dès sa prise de fonction à la tête de l’organisation sous-régionale de mettre fin aux coups d’Etat dans les pays membres de la CEDEAO.

Mais, a-t-il seulement pris le temps de diagnostiquer et de connaitre les mobiles profonds et réels des coups d’Etat, devenus récurrents dans la sous-région, avant d’engager son honneur sur un tel phénomène ? Lorsque des régimes dits démocratiques pratiquent la mal gouvernance, la corruption et la gabegie et détournent les deniers publics tout en se montrant démissionnaires face à des groupes armés terroristes sans pitié pour les populations réduites en état de déplacées internes misérables, comment ne pas absoudre et applaudir des militaires patriotes qui prennent leur responsabilité, et qui représentent alors un moindre mal ? En vérité, ces juntes militaires de nos jours sont loin d’être des soldats ordinaires isolés, car leur révolte semble traduire la colère d’une jeunesse africaine indignée par la domination et le pillage de leur continent par des puissances étrangères avec la complicité d’une élite locale vendue.

Les coups d’Etats sont condamnables par principe certes, mais l’attitude des populations qui acclament leur survenue pour les cas du Mali, de la Guinée, du Burkina et du Niger, méritent donc d’être considérée et analysée avec clairvoyance. L’approbation et l’enthousiasme des populations, en tout cas, sont réels et manifestes lorsque des pouvoirs pseudo-démocratiques corrompus et irresponsables, tombent, car elles ont fini par comprendre l’origine de leur malheur : le pillage et l’exploitation éhontée de leurs pays par des puissances néocoloniales, par leurs valets locaux interposés qu’incarnent leurs gouvernants, véritables sous-préfets de l’ex-colonisateur qui refuse de partir.

Et les couches jeunes de cette population qui applaudissent la mise à l’écart des simulacres de démocraties, risquent de servir de chair à canon si les armées des pays de la CEDEAO décidaient en fin de compte d’ouvrir le feu.

Lorsque le sang de cette jeunesse, qui semble prête à s’opposer à toute intervention militaire au Niger, commencera à couler à flots parce qu'un pré-carré doit être préservé, nul ne peut prédire les conséquences de l’onde de choc émotionnelle que cela produira sur l’ensemble du continent. L’effet multiplicateur du web et des réseaux sociaux qui propageront partout cette tragédie en temps réel, sera tel que l’establishment politique ouest-africain dans son ensemble risque d’être ébranlé dans ses fondements.

Face à l’impérialisme qui affiche clairement et rageusement ses prétentions dans cette partie du Sahel, le coup d’Etat du 26 juillet 2023 au Niger aura eu ainsi pour effet de donner un coup d’accélérateur au patriotisme et au panafricanisme d’une jeunesse africaine éclairée et décomplexée qui semble ne plus accepter le statu quo ante et qui est vent debout contre les manigances qui se jouent au grand jour à ses yeux. Cette jeunesse patriote, panafricaniste et virile, à l’opposé de ses ainés dociles, risque de ne pas se laisser faire.

Si le colonel Kadhafi de Lybie, héros panafricain, est mort et enterré misérablement, tué par les troupes de l’OTAN, la France de Nicolas Sarkozy en tête, l’indignation et la douleur dans le cœur de la jeunesse africaine sont toujours vives, elle qui n’a rien pu faire à l’époque, le même scénario de nos jours passera difficilement. « S’il y a domination et exploitation, c’est que le niveau de conscience des dominés le permet » dit-on. Le niveau de patriotisme et de panafricanisme de la jeunesse africaine a grandi et atteint un degré de maturité suffisamment élevé de nos jours, les nouvelles technologies de l’information et de la communication aidant, qu'elle n'est plus disposée à accepter n'importe quoi.

Que faire face à la nouvelle donne ? Concernant le cas précis du Niger où une intervention militaire risque de disloquer la CEDEAO, la sagesse voudrait que tout le monde mette balle à terre et que le match soit rejoué avec des consignes et des règles claires et équitablement avantageuses pour toutes les parties. Une période de transition pourrait être donnée à la junte nigérienne au bout de laquelle des élections libres et démocratiques seront organisées. Avant cela, les accords léonins seront renégociés, la gouvernance assainie et améliorée, les troupes d’occupation néocoloniales retirées ou réduites, afin que le Niger retrouve toute sa souveraineté et la sérénité nécessaire pour mieux organiser la lutte contre le terrorisme. Car l’impression répandue dans l’opinion est que les troupes occidentales dans la sous-région ménagent les groupes armés terroristes afin de prolonger et justifier leur présence pour finalement procéder au pillage des ressources des pays.

Que ce soit au Niger, au Mali en Guinée ou au Burkina, l’objectif ne devrait pas être de remplacer un impérialisme par un autre. La diversification des partenaires devrait être la règle, sans qu’aucun d’eux n’exige une quelconque exclusivité. Il s’agira désormais de partenariats égalitaires, gagnant-gagnants, diversifiés et profitables à toutes les parties, dans le respect mutuel. La suffisance et l’irrespect des anciennes puissances coloniales, jusque-là observés risquent de ne plus prospérer avec les nouvelles générations d’Africains décomplexées et clairvoyantes.

Tant pis alors pour tous ceux qui sont incapables de s'adapter et de se conformer au nouveau paradigme socio-politique qui parcourt désormais le continent d’un bout à l’autre ! Car face à la masse compacte de la jeunesse africaine désormais mobilisée et conscientisée, l’impérialisme et le néocolonialisme, et leurs valets locaux, avec tous leurs moyens ne pourront rien, sinon perdre tout, sur toute la ligne, à la longue.

DP www. commune-actu.net